La naissance d’un couteau
Il faut du temps pour faire bien les belles choses !
Découvrez en 6 étapes de fabrication comment votre couteau « Laforet, couteliers » prend forme !
» La vogue est pour le talent, le temps pour le génie, l’éternité pour la vertu. «
Alfred Auguste Pilavoine ; Les pensées, mélanges et poésies (1845)
Etape 1 : le traçage
Après avoir confectionné le premier prototype d’un modèle de couteau, je le démonte et fabrique les gabarits des différentes pièces qui le composent.
Les gabarits -faits eux aussi d’acier- sont trempés afin de résister dans le temps aux opérations de traçage qui s’effectuent avec une pointe à tracer en acier rapide.
Après avoir choisi la qualité de l’acier, le traçage consiste à poser le gabarit de la lame, du ressort ou des platines sur la barre, de percer les trous correspondants.
Afin de bien révéler le tracé, je colore la surface des barres, généralement avec du bleu de traçage ou de la sanguine d’ajusteur (visible sur certaines photos).
Après avoir mis des piges dans ces trous afin d’immobiliser le gabarit, je trace le contour des pièces.
Etape 2 : la découpe
C’est avec une merveilleuse scie à ruban, fournie par notre ami regretté Wolf BORGER, que tous les éléments de nos couteaux sont découpés.
Un travail qui est devenu bien moins pénible gâce à cette machine.
La qualité du tracé et la bonne teinture des barres d’acier est impérative pour approcher au plus près les formes des pièces. Elles facilitent la suite des opérations de meulage pour arriver à la côte définitive de la lame ou du ressort.
Cela est moins important pour les platines, car je garde une grosse marge de métal pour pouvoir laisser libre court à mon imagination lors du façonnage de la forme définitive du couteau.
Etape 3 : l'émouture
C’est dans la réalisation de l’émouture des mes lames que je m’épanouis le plus. Et je ne l’avais pas imaginé lorsque je me suis lancé dans la coutellerie d’art, qui consiste avant tout à fabriquer un couteau entièrement à la main.
Patiemment apprise avec Raymond ROSA, l’émouture est une étape primordiale, importante, qui donne un résultat incomparable sur le couteau fini.
Certes, cette émouture ne s’applique pas à tous les modèles de couteaux, mais elle est parfaite pour moi et la coutellerie que je veux développer.
Émouture en creux sur une roue de contact de Ø 32 cm… lentement, je pénètre dans le métal et l’apparence du « coupe choux » vient petit à petit se révéler.
C’est magique et bon sang : qu’est-ce que ça coupe !
Etape 4 : le guillochage
C’est une étape importante (un rang dans le vocabulaire la coutellerie), non pas pour le fonctionnement du couteau, mais pour la beauté de l’objet final.
Minutie, patience et bonnes limes aussi sont les secrets d’une réussite.
Je réalise deux modèles de guillochages : « épines » et « perles ». Seuls ou mélangés, ils me permettent une multitude de possibilités afin de ne jamais faire le même couteau.
Et avec l’aide d’un artiste local, je puise aussi dans une gamme de guillochages réalisés à la gouge : des gravures animalières, des torsades, des feuillages, … Des motifs plus beaux les uns que les autres, que j’ajoute à différentes bélières faites dans la masse des ressorts.
C’est ainsi que je pense pouvoir dire que je n’ai jamais fait deux couteaux semblables du même modèle !
Etape 5 : La trempe et le revenu
Suivant les aciers choisis, les températures et le temps varient en fonctions de courbes précises que me donnent mes différents fournisseurs.
Pas du tout forgeron dans l’âme, j’ai la chance que ma coutellerie plaise à bon nombre de grands artistes de l’acier damas qui me fournissent. Ils me procurent les courbes que j’applique dans le four qui trône en bonne place dans l’atelier.Une fois la technique maîtrisée, il suffit de suivre le temps et les températures prescrits.
La trempe -entre 780° et 1050° suivant les aciers- rend les lames et les ressorts très durs, mais aussi très cassants.
Pour remédier à cet inconvénient, il faut pratiquer un revenu. Cette opération consiste à remettre les éléments à chauffer entre 200° et 270° durant un temps bien précis, suivant la dureté que je désire donner aux lames et la souplesse aux ressorts, déterminées par l’utilisation qui sera faite du couteau.
Etape 6 : Le montage, le polissage, la révélation
Voici le moment le plus créatif pour le couteau et le coutelier !
Après les rangs précédents, les éléments de la « carcasse » sont prêts, l’ajustement pour le fonctionnement du couteau commence.
Montage, démontage, remontage… la répétition de ces étapes est importante pour arriver à ce que nous pensons être le fonctionnement optimal.
Depuis peu, chez « Laforet, Couteliers » est arrivée une compagne dont je rêvais depuis longtemps : une petite rectifieuse LIP 515, une merveille qui me permet d’offrir un fonctionnement parfait à toutes nos réalisations.
Ensuite, vient le choix des « costumes » pour nos créations – le choix est presque sans fin disent certains-. Il faut dire que nos fournisseurs se démènent afin de nous présenter ce qui se fait de mieux.
Car une fois la « carcasse » achevée, nous l’habillons des plus belles matières, des plus beaux damas (pour les mitres). L’art prend tout sa dimension avec le mariage des matières, des essences, des couleurs et des textures.
Le polissage fini de mettre en valeur la qualité de nos ajustements et des matériaux choisis.
La révélation des lames en acier damas est aussi un moment magique. Comme son nom l’indique, elle permet de révéler les dessins qui font la beauté du damas -lui qui a mis tant de temps à naître entre les mains de nos artistes forgerons- !
Il nous arrive quelque fois (même souvent !) de voir partir nos « bébés » avec un petit pincement au cœur : nous avons passé tellement de temps en leur compagnie !